Les thermes de Caracalla, Le Haut-Empire, Le temple de la Victoire
Les thermes de Caracalla
Les thermes publics sont un établissement de bains auxquels les Romains ont ajouté la palestre pour les exercices sportifs. Leur fréquentation tenait une place importante dans la vie quotidienne à Rome comme dans les autres villes de l’Empire. Leur introduction en Afrique eut lieu dès le Ier siècle après J.-C. À ce jour, dans le site de Dougga on a retrouvé trois établissements de ce genre dont ceux de Caracalla qui sont situés au sud-est du forum.
L’accès à cet établissement se fait par un passage pavé de mosaïque à gros cubes blancs qui sépare l’établissement thermal des temples de la Concorde, Frugifer, Liber Pater et Neptune.
1) Datation:
Les thermes ont été construits sous le règne de l’empereur Caracalla entre 212-217 après J.-C.
Une inscription attestant au IV e siècle après J.-C., une restauration partielle de l’établissement a permis la datation de sa construction:
atrium thermarum Antoninianorum ab antiquis c[oe]pt um exceptoriis in eodem loco su(b]s tan tibu[s], quod inperfecto opera corru[p]tum adque ruderib us foedat um [—] dius Honorati(a)n us, fl(amen) p(erpetuus), cur(ator) reip(ublicae) II, [cu]m statua
[s]ignoq(ue) felicissim [—A]uggg(ustorum), ratu opera fecit itemq[ue dedica]uit.
L’atrium des thermes antoniniens, construction entreprise autrefois sur les réservoirs sous-jacents au même endroit, qui était déteriorée en raison d’une exécution bâclée, et qui tombait en ruines,
[—]dius Honoratianus, flamine perpétuel, deux fois curateur de la république, l’a réalisé d’une manière fiable avec cet ouvrage orné de la statue et de l’emblème de nos trois Augustes très heureux [—], et il en a exécuté la dédicace.
«Les thermes dont une partie fut restaurée lors de la brève renaissance édilitaire du troisième quart du IV e siècle par le curateur [—]dius Honoratianus, flamine perpétuel, avaient été construits sous Caracalla dont le nom leur resta, renforçant l’assimilation de la ville à une “petite Rome”. Les travaux des années 375-383 reprenaient une construction ou une restauration antérieure défectueuse. Dans les thermes, l’atrium ou vestibulum était un hall de réception dans l’établissement; on comprend que dans une reconstruction partielle de l’établissement au siècle suivant, un évergète qui voulait se mettre en vedette se soit particulièrement attaché à cette pièce d’apparat et à son ornementation.» Khanoussi (M.) et Maurin (L.) (dir.), Dougga, Fragments d’histoire,insc. n°42, p.124.
1) Typologie:
1.1) Plan général:
Ils sont de plan symétrique, s’organisant de façon à peu près identique de part et d’autre d’un axe. De par leur ampleur, ces thermes sont classés parmi les plus grands d’Afrique.
L’établissement est constitué de trois niveaux:
- un niveau d’accès
- un niveau d’utilisation
- un niveau de services: les couloirs souterrains.
1.0.1) Le niveau d’accès:
Il est constitué d’une porte d’entrée donnant sur l’atrium, pièce de plan rectangulaire ( salle a sur le plan ci-dessus). De là part un grand escalier composé de vingt-quatre marches aboutissant au deuxième niveau.
1.0.2) Le niveau d’utilisation:
Il est composé de différentes salles « qui forment les thermes proprement dits» Poinssot (C.), Les ruines de Dougga, p.48 .
1.0.2.1) -Salle d’entrée, vestibule (V1) et vestiaires:
La première salle à laquelle aboutit l’escalier est:
-une grande salle d’entrée de forme carrée (11m.50 de côté) entourée d’un portique de douze colonnes et pavée d’une mosaïque polychrome à décor géométrique conservée en grande partie. «Les murs portent les traces d’un revêtement de marbre vert au bas duquel court une plinthe de marbre blanc». Poinssot (C.), Les ruines de Dougga, p.50 . Elle communique par une double baie avec:
-un vestibule (V1) servant d’espace transitoire entre les pièces de bain et l’extérieur de l’établissement et donnant accès à l’ouest à
-l’apodyterium, le vestiaire.
1.0.2.2) -Les salles de bains:
– le frigidarium: salle des bains froids. Il s’agit d’une grande pièce qui était couverte, occupant le centre des thermes et comprenant trois piscines situées sur les grands côtés. Les murs étaient richement décorés de placage de marbre et de stuc et certains d’entre eux ont des niches où devaient être placées des statues.
-Trois caldaria: salles de bains chauds. Un grand caldarium et deux autres caldaria de dimensions plus modestes situés de part et d’autre. Ce sont les salles les plus chauffées des thermes.
-Un tepidarium: salle tiède de transition contenant deux petits bassins. De faibles dimensions, elle est située entre les caldaria et le frigidarium.
1.0.2.3) -Les aménagements annexes:
-Deux sudatoria: étuves humides qui activaient la transpiration. Elles ont une forme ovale. Ce sont des salles de bain de vapeur à l’exemple des hammams ou des saunas d’aujourd’hui.
– Deux laconica: étuves sèches dont l’air brûlant provoquait une abondante transpiration. Elles ont une forme quadrangulaire.
– Un elaothesium, salle de dépôt et de distribution d’huile et qui avait vraisemblablement servi de salle de massage et de frictions d’huile.
– Un vestibule (V2) de passage.
-Une palestre: sous forme d’une grande cour à ciel ouvert entourée d’un portique. Elle est située au sud-ouest du frigidarium et au nord de l’elaothesium.
La palestre est l’espace des exercices physiques aussi bien pour le
baigneur amateur de sport que le sportif professionnel.
1.0.2.4) Le niveau de services: les couloirs souterrains
Le dernier niveau, celui de services, se trouve dans le souterrain et dont l’accès se fait par deux portes situées de part et d’autre du grand caldarium et qui étaient fermées aux usagers. Seuls les serviteurs utilisaient ces passages. Dans ce secteur, il y avait un grand couloir qui se dédouble en deux branches formant un Y renversé. Les deux foyers latéraux soutenaient vraisemblablement des chaudières de bronze.
2) Le circuit du baigneur :
Le baigneur commence tout naturellement par le niveau de l’accès. Un grand escalier de vingt quatre marches permet le passage au deuxième niveau des différentes salles. Ce faisant, le baigneur peut rencontrer des oisifs au palier en train de passer le temps à jouer à une sorte de jeux de dés. La première pièce que rencontre le baigneur en descendant est la grande salle d’entrée qui donne accès à un vestibule (V1) qui permet au baigneur d’atteindre l’apodytherium où il se déshabille puis traverse dans une nudité complète et sans s’arrêter le frigidarium. Il passe par un deuxième vestibule (V2) symétrique au premier pour atteindre l’elæothesium, où il enduit son corps avec de l’huile puis le couvre avec du sable fin. Cette pratique est une sorte de massage préliminaire à titre d’assouplissement avant l’entraînement dans la palestre qui se trouve au nord. L’utilité de ces deux substances est d’amortir les chocs durant l’entraînement et d’éviter les luxations, les entorses et les fractures en cas de chute par exemple. Le sable était utilisé dans un but hygiénique: arrêter la sueur et dans un but technique: faciliter certains exercices comme les prises de lutte lors du combat. Quant à la fourniture de cette huile pour les onctions, elle était assurée gratuitement par de riches donateurs de la cité.
Dans la palestre, le baigneur se livrait à différents jeux: lutte, pancrace, pugilat. La durée de l’activité sportive dans cet espace diffère selon la catégorie des baigneurs et l’objectif désiré. Elle est plus courte chez le sportif amateur qui fait tout simplement précéder le bain proprement dit par des exercices physiques. Son objectif est d’assainir le corps et prolonger la vie. Pour lui, le sport est un mode et une hygiène de vie. Quant au sportif professionnel, il passait plus de temps dans cet espace. En effet, ce dernier se consacrait exclusivement aux activités sportives pour se rendre apte à concourir dans les jeux et spectacles publics.
Une fois l’entraînement terminé, le baigneur traverse le vestibule pour se rendre au sudatorium, puis au laconicum. Dans ces deux salles le baigneur active sa transpiration d’une part et se débarrasse d’autre part des impuretés en commençant par se décrasser en s’aspergeant d’eau chaude, puis à l’aide du strigile, racloir recourbé en forme de faucille, il racle le corps pour enlever l’huile et le sable: lesRomains ont emprunté cette pratique de strigile aux Grecs. Ensuite, il se lave dans les caldaria. Pour ne pas se brûler les pieds ou risquer de glisser, le baigneur portait des socques de bois. Puis, il fait un passage de transition dans le tepidarium, avant de se baigner dans les piscines froides du frigidarium. En effet, le principe du bain reposait sur l’alternance du chaud et du froid dans le but de se procurer un bien salutaire. Par la suite, l’usager passe une dernière fois dans l’elæothesium pour recevoir un dernier massage à l’huile et au parfum pour détendre les muscles et délasser le corps après une phase très active. C’est là, un retour au calme et une phase de détente avant que le baigneur ne se rehabille dans l’apodytherium pour quitter l’établissement ou y rester encore pour converser.
3) Résumé du circuit:
Atrium→ escalier→ salle d’entrée → vestibule (1) → apoditherium → frigidarium→ vestibule (2) → elæothesium → vestibule (2) → palestre → vestibule (2) → sudatorium → laconicum → caldarium → tepidarium → frigidarium → vestibule (1) → apoditherium.
Les thermes à l’époque romaine étaient un espace de bains, de sport, de soins corporels ouvert aux deux sexes à des heures différentes et à toutes les catégories sociales. C’est parce que les onctions à l’huile et au sable demandaient une grande quantité d’eau indispensable pour les ablutions que les Romains et par la suite les romano-africains ont annexé la palestre aux thermes. Elle complète en effet, le nettoyage au strigile d’une part. D’autre part, l’usage rationnel des bains (chauds, tièdes et froids) combinés avec les exercices physiques, les différents types de sudation et les massages à l’huile avaient vraiment des effets thérapeutiques positifs sur la santé des Thuggenses.
Ce lieu demandait sans doute un personnel nombreux pour l’entretien, les massages et les entraînements physiques. C’était un véritable bâtiment d’hygiène, de culture physique, de soins corporels, de loisir et de distraction.
4) Bibliographie:
- Badelon (E.), Cagnat (R.) et Reinach (S.), Atlas archéologique de la Tunisie, au 1/50.000, feuille n°XXX III (Téboursouk), n°183, Paris 1892-1926.
- Ben Zina Ben Abdallah (Z.), Catalogue des inscriptions latinespaïennes du Musée du Bardo, EFR, 1986, inscription, n°225, p.89.
- Khanoussi (M.) et Maurin (L.) (dir.), Dougga, Fragments d’histoire, Choix d’inscriptions latines éditées,traduites et commentées ( Ier-IVe siècles). Bordeaux-Tunis, 2000, inscp. n°42, p.122-124.
- Bouet (A.), Les thermes privés et publics en Gaule Narbonnaise, Vol. I, Synthèse, EFR, Rome 2003.
- Broise (H.) et Thébert (Y.), Les thermesmemmiens, étude architecturale et histoire urbaine, dans Recherches archéologiques franco-tunisiennes à Bulla Regia, II, Les architectures, EFR, 1993.
- Carton (L.), Thugga, Ruines de Dougga, Tunis, p.78.
- Decker (W.) et Thuillier (J.-P.), Le sport dans l’Antiquité, Égypte, Grèce, Rome, Éditions A. et J. Picard, Paris 2004, «Les thermes: Le gymnase du Romain», p.165-177.
- Khanoussi (M.) et Maurin (L.) (dir.), Dougga, (Thugga), Études épigraphiques. Paris, 1997, p.121.
- Khanoussi M., Dougga, Tunis ANEP, 1998 (2e édition revue et augmentée), p.37-39.
- Labbe (M.), Recherches sur les thermes Liciniens à Dougga (Tunisie), Mémoire de maîtrise sous la direction de J. Alexandropoulos et M. Khanoussi, 2 volumes, V.1 Étude du monument, V.2 Plans et photographies. Toulouse, Université de Toulouse Le Mirail, UFR d’Histoire, Histoire de l’Art et Archéologie, 1994-1995, (Inédit).
- Naït-Yghil (F.), Pratiques sportives et spectacles de jeux athlétiques et de pugilat en Afrique à l’époque romaine, Mémoire de DEA (Histoire et Archéologie antique) sous la direction de Mustapha Khanoussi. Tunis 2003, Université de Tunis, Faculté des Sciences Humaines et Sociales, p.120-121, (Inédit).
- Poinssot (L.) et Lantier (R.), «Séance de la commission de l’Afrique du Nord, du 13 janvier 1925». BAC, 1925, p.XXVIII- XL.
- Poinssot (C.), Les ruines de Dougga.Tunis 1983, p.48-52.
- Thébert (Y.), Architectures thermales de la valléemoyenne de la Madjerda, thèse de doctorat de 3ème cycle, sous la direction de G. Picard. Paris-Sorbonne, 1981-1982.
- Thébert (Y.), «Problèmes de circulation dans les thermes d’Afrique du Nord», dans Les thermes romains, Actes de la table ronde organisée par l’École française de Rome (Rome, 11-12 novembre 1998). EFR, 1991, p.139-149.
Le Haut-Empire
Thugga (Dougga) sous le Haut-Empire une ville double? (L’Africa romana, 10, 1994, p.597-602)
Une histoire de l’urbanisme de l’Afrique Proconsulaire reste encore à écrire. L’une des raisons principales du manque d’intérêt des chercheurs semble résider dans la complexité du dossier. G.-Ch. Picard, l’un des meilleurs connaisseurs de l’histoire et de l’archéologie de l’Afrique antique, ne vient-il pas d’ailleurs de noter dans la récente réédition de sa Civilisation de l’Afrique romaine «qu’il n’est pas, parmi toutes les villes romaines d’Afrique, deux plans d’urbanisme identiques». Tous ceux qui ont une bonne connaissance des sites antiques de l’Afrique du Nord ne peuvent que souscrire à cette constatation. En effet, malgré l’impression de ressemblance qui frise dans quelques cas l’uniformité, que pourrait procurer la visite de sites comme Thuburbo Majus, Sbeitla ou Timgad, le visiteur attentif ne manque pas de relever parfois des différences de taille et souvent de détail. Car, du point de vue de l’urbanisme et de l’évolution urbaine, les cités africaines d’époque romaine ne constituent pas un ensemble homogène. Elles peuvent, au contraire, être réparties en quatre groupes :
-Le premier groupe est formé des cités d’origine pré-romaine devenues pérégrines après la conquête romaine comme par exemple Bulla Regia, dans les Grandes Plaines. Ces cités n’ont pas connu de changement brusque dans la composition de leur population. Elles ont continué, pour un temps plus ou moins long selon les cas, d’être administrées comme auparavant. La transformation lente et progressive de leur paysage urbain ne semble pas avoir occasionné des bouleversements de grande ampleur dans le schéma général de l’organisation urbanistique hérité de la période antérieure.
-Le deuxième groupe est composé, quant à lui, des fondations coloniales soit sur un site libre par suite de destruction comme par exemple Carthage, soit sur un site vierge comme par exemple Sufetula. Là, les arpenteurs romains ont pu tracer des villes selon le plan orthogonal qui leur était si cher.
-Le troisième groupe comprend les colonies déduites sur le site même d’une cité déjà existante comme par exemple Sicca Veneria ou Simitthus. Dans l’état actuel de la recherche, nous ignorons presque tout des conséquences que la fondation de la colonie a eu sur l’organisation urbaine de ces cités.
-Enfin, le quatrième et dernier groupe est celui qui est constitué des cités pérégrines qui ont vu l’installation sur leurs territoires de groupes de citoyens romains organisés en pagi dépendant d’une colonie. A. Piganiolfait remonter cette organisation originale appelée à durer plus de deux siècles à l’époque de César. Mais la révision de lecture à partir de la pierre de la célèbre inscription de Marcus Caelius Phileros d’Uchi Maiusà laquelle vient de procéder M. Azedine Beschaouch permet désormais d’attribuer de manière définitive à Octave-Auguste la paternité de ce système et fournit ainsi une confirmation à ce qu’avait pensé Claude Poinssotsuivi par Jacques Gascou.
Parmi les cités qui peuvent être rangées dans ce groupe, Thugga, l’actuelle Dougga, est le site qui, pour le moment du moins, fournit la documentation, tant épigraphique qu’archéologique, la plus riche. Bâtie sur un plateau fortement incliné qui domine la riche vallée de l’oued Khalled, Thugga est une vieille cité numide qui était, au dire de Diodore de Sicile, «d’une belle grandeur» au temps de l’expédition d’Agathocle. Promue au rang de résidence royale sous Massinissa et ses successeurs, elle devint l’une des villes principales du royaume numide. De l’urbanisme de cette époque nous savons peu de chose. Nous savons seulement que la ville était entourée d’une muraille dont on ignore jusqu’au tracé à l’exception du tronçon qui subsiste au Nord du site et devant lequel s’étend une nécropole dolménique. Nous pouvons également citer le célèbre mausolée libyco-punique restauré par les soins de regretté L. Poinssot et qui s’élève à la lisière Sud du site. Enfin, des sondages effectués dans le sous-sol du temple de Saturne, situé au nord-est du site, ont révélé que le terrain était déjà occupé par un sanctuaire consacré à Baal et qui remonte au IIe siècle avant J.-C.
Ce sont là les quelques vestiges de Thugga la numide connus à ce jour. Comme on peut en convenir aisément, c’est bien peu pour se faire une idée, même approximative, de l’organisation urbaine de la cité.
Par contre, pour l’époque romaine la documentation devient nettement plus abondante. Elle témoigne d’une frénésie de construction presque sans relâche qui va du règne de Tibère à la fin de celui des Sévères et même au-delà.
La première opération urbanistique qui nous est connue est celle réalisée aux frais de Lucius Postumius Chius. L’inscription ILAfr 558, datable de la dernière année du règne de Tibère, nous dit que ce membre du pagus forum et aream ante templum Caesaris strauit, aram Aug(usti), aedem Saturn(i), arcum d(e) s(ua) p(ecunia) f(aciendum) c(urauit). Peu de temps après, un autre membre du pagus offrit un arc à l’empereur Caligula dont la titulature fut remplacée en l’année 42 par celle de l’empereur Claude. Toujours sous Caligula, Caius Pomponius Restitutus fît construire un temple à Jupiter Optimus Maximus.
Le règne de Claude fut lui aussi marqué par la construction de nombreux monuments tels que le marchéoffert par M. Licinius Rufus, une cella de Cérèset un temple de la Fortune, Vénus et la Concordeconstruits aux frais d’un couple d’affranchis de ce puissant personnage : M. Licinius Tyrannus et Licinia Prisca. Le premier nommé assura également la restauration du temple de Tibère à la construction duquel avait participé Viria Rustica, la grand-mère de son patron.
Sous les Flaviens, on assiste à un arrêt presque total de la construction de monuments publics. Le seul monument qu’on pourrait faire remonter à cette période est le minuscule sanctuaire consacré à la Piété Auguste et construit en exécution du testament de Caius Pompeius Nahanus.
Il faut attendre le règne d’Hadrien pour voir la frénésie de construction reprendre de plus belle. Pas moins de trois sanctuaires, dont l’un était un véritable complexe cultuel, furent érigés sous cet empereur. Un citoyen romain descendant de pérégrins de la civitas, Quintus Maedius Severus, fit bâtir un temple consacré à la Fortune Auguste, Vénus, la Concorde et Mercure. Ce monument dont les vestiges subsistent encore sous la mosquée a une orientation Nord-Est tournant ainsi, si l’on peut dire, le dos au forum ce qui dénote une abscence totale de souci d’intégration à l’ensemble monumental créé autour de cette place.
À très peu de distance de distance de là, deux autres citoyens romains descendants de pérégrins, Aulus Gabinius Datus et sonfils M. Gabinius Bassus, tous deux tribules de la Quirina, édifièrent sur un terrain de leur propriété un vaste ensemble cultuel composé de quatre temples consacré l’un à la Concorde, l’autre à Neptune, le troisième à Pluton Frugifer, dieu poliade de Thugga, et le quatrième à Liber Pater. À ce dernier sanctuaire a été adjoint un petit théâtre qui devait servir aux initiations et à la célébration des mystères.
Enfin, le troisième sanctuaire bâti sous le règne d’Hadrien est celui qui a été construit en exécution du testament de M. Vinnicius Genialis prêtre des Cererespour l’année 127 (entre 83 et 89 après J.-C.) et patron de la civitas. Consacré à Minerve, il est situé en contre-bas de la maison dite de Dionysos et d’Ulysse dans une zone relativement éloignée du quartier du forum.
Le culte de cette déesse semble avoir été en grande faveur auprès des habitants de Thugga puisqu’un autre temple lui fut consacré, dans la partie Nord-Ouest du site cette fois, quelques années plus tard, sous le règne d’Antonin le Pieux (138-161). Sous ce même règne, un autre membre de la gens Gabinia, Q. Gabinius Felix Faustianus, procéda à l’embellissement du forum en le dotant de portiques sur trois côtés. Et c’est sous le règne suivant, celui conjoint de Marc-Aurèle et Lucius Verus, que Thugga se vit doter des deux monuments qui font aujourd’hui sa célébrité, à savoir le temple du Capitole et le théâtre. Construit aux frais de Lucius Marcius Simplex et dédié en l’année 166 ou 167, le capitole de Dougga occupe une position inhabituelle par rapport au forum. En effet, au lieu d’avoir la façade tournée vers la place publique, il présente à celle-ci le flanc, disposition toute particulière qui ne se rencontre nulle part ailleurs. Deux années après la construction du Capitole, un autre membre de la famille des Marcii, Publius Marcius Quadratus, acheva la construction du théâtre. Adossé au flanc d’une colline située au Nord-Est du forum, ce monument a une capacité estimé à environ 3500 spectateurs ce qui devait être nettement supérieur aux besoins réels de la population, même en tenant compte de ceux qui résidaient dans la campagne. Les Thuggenses ne s’étaient probablement jamais sentis à l’étroit sur les gradins de leur théâtre. Ils ne devaient être que plus reconnaissants envers le généreux bienfaiteur.
Le règne du dernier des Antonins vit la construction et l’aménagement du terrain resté libre à l’Est du Capitole et devant le marché. Un couple de flamines perpétuels, Quintus Pacuvius Saturus et sa femme Nahania Victoria, se chargea de la construction du temple de Mercure, ajouta un portique au marché et aménagea l’espace entre les deux monuments en une place qui fut appelée area macelli, aujourd’hui place de la Rose des Vents.
Toujours sous le règne de Commode, et plus précisément entre l’année 184 et le premier semestre de l’année 185, la civitas procéda à la construction de l’aqueduc de Aïn Hammam et à l’ensemble de citernes du même nom situé à peu de distance à l’Ouest de Bab Er-Roumia, le nom arabe donné à l’arc de Sévère Alexandre.
Sous le règne des Sévères, qui vit en l’année 205 la promotion de Thugga au rang de municipe et donc la disparition de la dualité pagus/civitas, l’effort de construction de monuments publics ne ralentit pas. Sous l’éphémère règne conjoint de Septime Sévère et Clodius Albinus, grâce à un legs de L. Octavius Roscianus, le pagus et la civitas édifièrent un temple de Saturne qui est venu remplacer le vieux sanctuaire de Baal.
Sous Caracalla, Gabinia Hermiona offrit à la cité un luxueux temple consacré à la Victoire de cet empereur. La même bienfaitrice fît également don du terrain qui portait déjà le nom circus et sur lequel sera édifié dix ans plus tard, sous le règne de Sévère Alexandre, le cirque de Dougga dont des vestiges ont été identifiés dans la zone nord-ouest du site. Un autre membre de la gens Gabinia, Quintus Gabinius Rufus Felix Beatianus, fit construire le beau temple de Caelestis situé dans la partie Ouest du site.
Cette documentation qui vient de vous être présentée très brièvement et de manière non exhaustive était déjà connue pour l’essentiel du regretté L. Poinssot. Dans un mémoire publié il y a maintenant 80 ans, ce savant avait attribué la fondation du forum et l’urbanisation de tout le quartier qui l’entoure aux membres du pagus qui «ne voulant ni ne pouvant fonder une ville nouvelle, désirent simplement avoir à proximité de l’ancienne cité punico-numide ‘ ce coin’ où ils soient bien chez eux ».
Cette interprétation qui fait de Thugga une ville double, d’un côté la ville numide et de l’autre le quartier romain, est souvent citée sans avoir été jamais sérieusement discutée. Or, dans l’état actuel de la recherche, rien ne permet d’attribuer avec certitude une fondation romaine au forum. La découverte dans les environs immédiats de cette place d’éléments d’architecture qui avaient appartenu à des monuments pré-romains, militerait plutôt en faveur d’une origine numide. D’autre part, les monuments qui ont été présentés ne sont pas groupés dans un même quartier qui serait alors le quartier romain ; mais ils se repartissent sur l’ensemble du site, du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest. Par ailleurs, certains de ces monuments, pourtant situés à peu de distance du forum, ont été construits par des membres de la civitas; alors que d’autres, bien que se trouvant dans des zones qui selon la thèse de L. Poinssot devaient relever de la cité indigène, ont été édifiés par des membres du pagus. Enfin, tout le monde s’accorde pour placer le temple de Saturne construit sous Tibère, sur le côté Ouest du forum. Or, l’inscription ILAfr 551 nous apprend que ce sanctuaire qui devait relever du pagus, fut restauré au cours de la première moitié du IIe s. aux frais de la civitas.
Pour conclure, nous pouvons dire que l’hypothèse de L. Poinssot qui fait de Thugga une ville double, ville numide d’un côté et quartier romain de l’autre, reflète beaucoup plus l’idée que l’on se faisait à l’époque de l’organisation juridique de la cité, que la réalité historique. Thugga, qui ne fut jamais une commune double comme l’admettent désormais tous les spécialistes de l’histoire municipale de l’Afrique romaine, ne fut, non plus, jamais une ville double. C’est dans le même cadre urbain que les deux communautés juridiquement distinctes ont coexisté pendant un peu plus de deux siècles.
Le temple de la Victoire de Caracalla à Dougga
1) Introduction
Dans sa présentation de l’ouvrage Dougga. Fragments d’Histoire, Azedine Beschaouchn’a pas manqué de rappeler que pendant de nombreuses années et pour des raisons qu’il n’y a pas lieu d’évoquer ici, le site de Dougga est demeuré en marge de la recherche scientifique. Durant environ une trentaine d’années, en effet, ni les monuments déjà connus n’ont fait l’objet de nouvelles recherches de terrain; ni même ceux qui ont été mis au jour entre 1959 et 1962 lors des travaux menés par le alors tout jeune Institut National d’Archéologie et d’Art – héritier direct de la Direction des Antiquités du temps du protectorat français, et devenu depuis janvier 1993 Institut National du Patrimoine- et sous la direction du regretté Mongi Boulouednine, n’ont été étudiés. Il est donc aisé d’imaginer les conséquences qu’une telle situation n’a pas manqué d’engendrer sur l’état de la connaissance et l’important retard des études qui en a découlé.
C’est seulement à partir de 1991 que cette situation a commencé à changer. Le 21 juillet de cette année-là, lors d’un Conseil Ministériel présidé par le Chef de l’Etat fut en effet prise la décision d’aménager le site de Dougga en Parc Archéologique National. Dans le cadre de la réalisation de cet important projet de sauvegarde et de mise en valeur, la recherche scientifique a été alors relancée et un vaste programme d’inventaire et d’étude engagé. L’un des principaux volets de ce programme porte sur l’étude de l’architecture religieuse païenne de Thugga. Ce projet a été initiépar notre institut en coopération avec le centre AUSONIUS de l’Université de Bordeaux IIIet avec la participation de collègues de l’Ecole d’Architecture de Marseilleet de l’Ecole Normale Supérieure de Paris. Il a été entrepris pour pallier au peu de connaissance scientifique disponible sur les nombreux monuments cultuels découverts jusqu’ici à Dougga et pour combler le manque de documentation technique les concernant. Comme l’on sait, une telle connaissance et une telle documentation constituent les outils nécessaires pour leur sauvegarde et leur mise en valeur.
2) – La cité
Quand on visite aujourd’hui le site, on ne manque pas de remarquer le grand nombre des monuments qui étaient consacrés aux dieux. Tant par la variété de leurs plans que par leurs caractéristiques architecturales, ils constituent un ensemble archéologique exceptionnel qui se trouve éclairé par un riche dossier épigraphique. Ce dossier a rendu possible l’identification assurée ou très probable de bon nombre de sanctuaires. Il fournit aussi la mention de quelques autres dont les vestiges restent soit à identifier parmi les lieux de culte païens encore anonymes, soit à découvrir. Ainsi, les sanctuaires attestés à ce jour à Dougga peuvent être répartis en trois groupes comme suit:
1-temples attestés par l’épigraphie et par l’archéologie
Il s’agit des monuments qui sont à la fois attestés par l’épigraphie et dont les vestiges archéologiques ont été reconnus soit avec certitude, soit avec une grande vraisemblance. Ce sont:
- le temple deBaal Hamon- Saturne,
- le temple de Tanit-Caelestis,
- le temple du capitole,
- le temple deMinerve I,
- le temple de Minerve II,
- le temple de Mercure,
- le complexe cultuel édifié sous Hadrien par la famille des Gabinii et que les inscriptions appellent lestempla Concordiae,Frugiferi, Liberi Patris, Neptuni,
- l’exèdre de Junon Reine,
- le temple deTellus,
- le temple de la Piété Auguste,
- temple de Fortune Auguste, Vénus Concorde et Mercure Auguste.
2- temples anonymes ou à identification hypothétique
Ce sont les temples dont les vestiges archéologiques ont été retrouvés; mais dont l’identification demeure hypothétique ou pour lesquels aucune identification ne peut être avancée dans l’état actuel de la connaissance. C’est le cas des:
- temple dit de Pluton,
- temple dit de Neptune,
- temple anonyme I, plus connu sous le nom de Dar Lachheb,
- sanctuaire anonyme III, situé entre les thermes de Caracalla (ex liciniens) et le théâtre cultuel,
- petit sanctuaire situé non loin du temple de Saturne.
- temple anonyme II, situé près du mausolée libyco-punique
- temple anonyme IV, situé au nord du temple de Mercure
- chapelle au sud du capitole
3- temples attestés par l’épigraphie et non encore identifiés
Il s’agit des temples qui ne sont attestés à ce jour que par leur mention épigraphique. Leur nombre s’élève actuellement à quatorze. En voici la liste:
1- temple de Tibère
2- temple de Saturne I
3- temple anonyme de l’époque de Claude
4- cella de Cérès
5- temple de Vénus Concorde
6- monument cultuel de la gens Flauia
7- temple de Cérès Prataria
8- temple anonyme de l’époque de Marc-Aurèle et de Lucius Verus
9- temple d’Esculape
10- temple anonyme de l’époque de Commode
11- temple de Cybèle
12- temple du Génie de la Patrie
13- temple du dieu Sol
14- temple du Génie de Caracalla
Doit-on considérer tous les monuments mentionnés dans cette liste comme encore à découvrir? Ou bien ne doit-on pas penser plutôt qu’il n’est pas exclu que les vestiges de certains d’entre eux sont à chercher parmi les nombreux sanctuaires déjà découverts et encore anonymes, comme semblent le prouver les recherches récentes. En effet, les explorations qui viennent d’avoir lieu à l’ouest du théâtre ont permis de retrouver l’inscription dédiée au dieu Soldont le support n’avait pas été décrit par son inventeur. Cette redécouverte a permis de se rendre compte que le texte est gravé sur un linteau et qu’il est composé en réalité de quatre lignes et non pas d’une seule comme le faisait croire la première édition suivie par les éditeurs du CIL. Elle a permis également de montrer que cette inscription est la dédicace d’un monument dont les vestiges ont été mis au jour au cours de ces travaux. La même chose est arrivée trois décennies plus tôt pour le dernier temple mentionné dans la liste, celui du Génie de Caracalla.
II- Identification et localisation du temple de la Victoire germanique de Caracalla
1- La dédicace
Ce sanctuaire est resté pendant longtemps connu seulement par sa dédicace incomplète gravée sur une frise dont l’un des fragments retrouvés a été signalé dès 1835 par Sir Grenville Temple dans son Excursions in the Mediterranean, Algiers and Tunis. Cette inscription, le cil, qui courait sur cinq fragments composant un linteau d’une longueur totale d’environ 13m (12,85m pour être précis), est la dédicace pour le salut de Caracalla et sa famille d’un temple qui a été identifié par L. Poinssot qui en restitution d’une lacune a proposé de lire genius sanctissimus domini nostri. Cette proposition hypothétique fut reprise dans le recueil des Inscriptions latines d’Afrique sous le numéro 527. La voici :
ligne 1
Pro salute imp(eratoris) caes(aris) di[ui Septimi Seueri Pii Ara]bici A[diabenici Par]thici maximi Britannici m[aximi filii d]iui M(arci) Anton[ini Sarmatici nepotis diui] Antonini Pii pronepotis diui Hadriani abne[potis diui Traiani Parthici et diui Neruae adnepotis]
Ligne 2
M(arci) Aureli Antonini Pii Felicis [Aug(usti) Parth(ici) max(imi) Brit(annici) max(imi) Ge]rm(anici) m[ax(imi) pont(ificis) max(imi) t]rib(unicia) potes(tate) XVII imp(eratoris) III co(n)s(ulis) IIII p(atris) p(atriae) por[co(n)s(ulis) et Iu]liae Domnae A[ug(ustae) Piae Felicis matris castro]rum et senatus et patriae totiusque diuinae domus [ei]us templum [genii sanctissimi D]omini nostri
Ligne 3
quod G[a]binia Hermiona testamen[to suo fieri praecepit………..ius………]ctu[s ? aedificauit idemq(ue) s]uo testamento die dedicationis et dei[……….q]uodannis epulu[m condecurionibus s]uis dari praecepit item agrum qui appellatur circus ad uo[luptates po]puli rei publ(icae) remisit.
Il a fallu attendre les travaux effectués par le regretté Mongi Boulouednine dans les années 1959-1962 pour que sept nouveaux fragments revoient le jour et viennent combler quelques unes des lacunes qui restaient et permettre ainsi de juger de la valeur des restitutions proposées jusque là. Voici le texte tel qu’il peut être établi désormais:
ligne 1
Pro salute imp(eratoris) Caes(aris) di[ui Septimi Se]ueri Pii Arabici Adiabenici Pa[r]thici maximi Britannici m[aximi filii d]iui M(arci) Antonini Germ(anici) Sarm(atici) nepotis di[ui A]ntonini Pii pronepotis di[u]i Hadriani abne[potis diui] Traia[ni Parthici diui Ner]uae adnepotis
Ligne 2
M(arci) Aureli Antonini Pii Felicis A[ug(usti) Parth(ici) ] max(imi) Brit(annici) max(imi) Ge]rm(anici) m[ax(imi) pont(ificis) max(imi) [t]rib(unicia) potes(tate) XVII imp(eratoris) III co(n)s(ulis) IIII p(atris) p(atriae) por[co(n)s(ulis) et Iu]liae Domnae Piae Felicis Aug(ustae) matris Aug(usti) et castr[o]rum et senatus et patriae totiusque diuinae domus [eorum] templum Victoriae [Germanicae d]omini nostri
Ligne 3
quod G[a]binia Hermiona testamen[to suo ex ] HS C m(ilibus) n(ummum) fieri iussit [perfe]ctum et dedicatum es[t s]uo testamento die dedicationis et dei[nceps] quodannis epulum decurionibus ab her[e]dibus suis dari praecepit, item agrum qui appellatur circus ad uo[l]uptatem po[p]uli rei publ(icae) remisit.
Ce n’est donc pas au Génie de Caracalla comme l’a proposé L. Poinssot, mais à sa Victoire germaniqueque Gabinia Hermiona a prescrit dans son testament de consacrer le temple
2- Identification
Le monument mentionné dans cette dédicace a été identifié en 1966 par Cl. Poinssotavec le sanctuaire dont les vestiges venaient d’être mis au jour à peu de distance à l’ouest du temple anonyme dit Dar Lachheb au cours des travaux de fouilles effectués dans ce secteur par Mongi Boulouednine.
Situé dans le quartier au sud ouest du forum, il a été érigé sur un terrain de forte déclivité ce qui a nécessité d’importants travaux de terrassement. Si, pour le moment nous ignorons à quelles constructions ce sanctuaire a succédé, nous savons qu’il est venu s’appuyer à l’arrière d’un nymphée monumental dont la construction doit remonter à l’époque de Commode. Il est limité à l’est par la maison dite de Vénus, à l’ouest par une rue qui descend vers le quartier des thermes de Aïn Dora et qui est enjambée par un arc à une baie dont les vestiges sont encore visibles à quelques mètres au nord de l’entrée du temple, alors que du côté sud, les remaniements successifs empêchent pour le moment de fixer les limites précises du monument.
3) – Description du monument
Orienté au sud comme la petite chapelle située devant le capitole ou comme le nouveau sanctuaire qui vient d’être découvert à peu de distance au nord du temple de Mercure, il est de dimensions relativement importantes: 41,50m de long et 14,20m de large. C’est un temple sur podium, bâti au fond d’une cour dont il occupe toute la largeur. Associé à un arc de triomphe qui enjambe la rue qui descend du quartier du forum vers le quartier sud-ouest où se trouvent l’ensemble thermal de Aïn Doraavec ses grands latrines publiqueset la batterie de citernes du même nom, il présente sa face ouest, la seule visible, les trois autres étant mitoyennes, avec une colonnade heptastyle le long de la cella et reposant sur un soubassement en grand appareil à bossage. On y pénètre par une porte latérale percée près de son angle ouest et à laquelle on arrive par un escalier de trois marches qui donne sur un perron. Un porche distyle devait orner l’entrée. Celle-ci donne accès sur une cour de plan trapézoïdal, avec un dallage en croix. limité à chaque angle par quatre bassins dont les rainures d’encastrement de cancel et les mortaises des piliers d’ancrage sont conservées
D’ordre toscan, tétrastyle in antis et pseudo-périptère sur les côtés intérieurs est et ouest, le temple proprement dit est accessible par un escalier axial de neuf marches, large de 3,90m et profond de 4 m, qui débouche sur une plate-forme. Large de 12 m et profond de 4,10m, le pronaos donne sur une cella unique dont la façade est distyle et dans laquelle on entre par une ouverture de 7 m que deux colonnes partagent en un triple passage. Sur chacun de ses longs côtés intérieurs, elle présente quatre niches rectangulaires larges de 2m et profondes de 0,70m qui devaient abriter chacune la statue d’une divinité comme en témoignent les trois bases dédiées à Apollon, Liber Pater et Neptune qui y ont été retrouvées lors des fouilles. Une quatrième base, dédiée à Mercureet qui leur est identique a été retrouvée dans les environs du théâtre. Elle devait, elle aussi, appartenir au monument. Dans le mur de fond et sur toute sa longueur, est aménagée une niche placée à 1,75m du sol. Celui-ci est recouvert de dalles placées en sept rangées régulières dans la partie ouest, et par un dallage très irrégulier où on note de nombreux remploi dans la partie est. Un opus sectile de 13,10 de long et 2,60m de large dont il ne subsiste que la fondation ornait la partie centrale de la cella.
3.1) Conclusion
Avec sa décoration d’ordre toscan et les caractéristiques de son plan, le temple de la Victoire de Caracalla vient enrichir les sous-groupes de la riche typologie des lieux de culte païen de Dougga et fournir un autre témoignage sur la vitalité de l’activité édilitaire sous les Sévères. Les recherches dont il fait l’objet ne manqueront pas d’apporter plus de précisions à ce propos.
Laisser un commentaire