Article de Boutheina Ayari, Conservateur du Patrimoine à l’INP
Histoire du site
(GPS : 36°31’12” N et 10°2’56” E)
Le site antique « Jebel Oust » est situé à Hammam el-Oust , à 32 km au sud-ouest de Tunis, sur la route de Zaghouan. Il occupe la pente orientale du Jebel Oust. La surface clôturée s’étend sur près de sept hectares. Une source hydrothermale, captée aujourd’hui pour alimenter un établissement balnéaire moderne, fut à l’origine de l’implantation de la station antique dont le nom demeure inconnu. Il pourrait s’agir du site d’Onellana, mentionné par la Table de Peutinger à égale distance d’Oudhna et de Thuburbo Maius, mais cette hypothèse demeure incertaine.
La source des eaux chaudes a été donc à l’origine de l’implantation de cette agglomération englobant essentiellement des thermes, une résidence (série de pièces avec une grande salle de réception) et un lieu de culte païen installé sur la source même. L’occupation du site s’étend entre le début de l’Empire et le début du VIIe siècle. Si les plus anciennes phases du temple et des thermes remontent au I er siècle après J.-C., les derniers temps du site sont documentés essentiellement par des activités artisanales et une installation d’une église et son baptistère dans le secteur du temple.
Les monuments du site
La partie fouillée du site depuis les années 1960 par Mohamed Fendri se compose de trois principales unités : les thermes et les bâtiments qui les entourent, le temple et ses dépendances, la résidence formée d’une série de pièces richement décorées en mosaïques, ainsi que des citernes monumentales.
Les citernes
Ce premier ensemble, constitué de trois grandes citernes compartimentées, de grande capacité, qui assuraient l’approvisionnement de l’établissement thermal et de la zone haute réservée aux cultes païens puis chrétiens. Elles captaient les eaux d’un oued voisin par un système que nous ignorons, une conduite d’eau douce parte de la citerne haute, alimente les citernes des thermes. De même, une certaine connexion entre les citernes de Jbel Oust et l’aqueduc Zaghouan-Carthage n’est pas improbable mais reste à démontrer.
Le temple
Au sommet du site se situe le sanctuaire et ses annexes, implantées au-dessus de la source. Au début, ce temple comprenait uniquement une cella, une cour ainsi que deux exèdres à plan rectangulaire qui faisant face au nord et au sud. Cette construction remonte au premier siècle de l’ère chrétienne.
Dans un deuxième temps, le temple fut agrandi, une cella plus grande construite un peu vers l’ouest et un « puits », profond d’environ 6 m, fut creusé sous la cella du premier temple. Le nouveau temple fut édifié au fond d’une cour cernée par un portique en U. Cette cour fut agrandie et flanquée de deux portiques monumentaux. Les deux phases du temple datent, d’après les recherches entreprises par une équipe Tuniso-française durant la période 2000-2010, du début de l’Empire et de l’époque Antonine. Plus tard, à partir du Vè siècle, le temple a été réutilisé par une communauté chrétienne qui a transformé la cella en baptistère et construit une église en marge du portique nord.
Les thermes
L’établissement thermal proprement dit se devise en deux secteurs bien distincts : la partie réservée aux bains qui comporte une série de piscines de dimensions et de formes variées, et le secteur réservé aux salles de soin ou de repos ainsi qu’aux appartements destinés à héberger la clientèle. D’après l’étude de M. Fendri[1], le secteur thermal serait crée vers le milieu du IIè siècle, La plupart des mosaïques s’étalant du IIIe au début du Ve siècle.
Cinq grandes phases ont pu être identifiées, et il est nécessaire de préciser que nous ne savons que peu de choses sur la phase I dont la plupart des espaces ont été transformées par les aménagements des phases ultérieures.
Pendant la phase II, l’établissement se composait d’un vestibule (T17), de plan en forme de sablier. Ce vestibule donne accès au nord au vestiaire T24, au sud à des petites salles dont nous ignorons la fonction. À l’est à un vaste frigidarium de plan carré (T14) pourvu de trois bassins périphériques et d’un bassin central. Sa piscine tiède T5 est de plan rectangulaire et son caldarium (T9) est de plan circulaire couvert d’une voûte annulaire et d’une coupole. Au nord de ce frigidarium se trouve la citerne d’eau douce T18.
En ce qui concerne la phase III, elle se caractérise par la construction d’un second caldarium (T1) à l’angle sud-ouest du bâtiment, tout en créant des petits bassins tièdes couverts.
Durant la phase IV qui date du début du VIe siècle, les thermes se sont annexés à la résidence. L’accès aux bains se situe désormais à l’est, à l’extrémité d’un long couloir (R22) qui nous conduit à une grande galerie de distribution interne à la villa, et qui débouche directement dans le frigidarium.
Le dernier état correspond à la construction d’un petit bain public qui vient s’adosser à la façade orientale des thermes. On accédait à ce bain par un passage qui s’ouvre au sud de l’édifice et qui comportait un vestiaire/tépidarium, un laconicum, un espace de service crées ex nihilo, et un caldarium aménagé dans l’ancien espace T5I.
[1]Fendri M., 1963, « Évolution chronologique et stylistique d’un ensemble de mosaïques dans une station thermale à Djebel Oust (Tunisie) », in La Mosaïque gréco-romaine, colloque du CNRS, Paris, 1965, p. 157-173.
La résidence
Près des thermes, s’étend une résidence datant de l’antiquité tardive. Il s’agit d’un espace couvrant une superficie d’environ 1 700 m2 et communiquant avec les thermes par un long couloir central. Elle s’ouvre au nord sur une rue est-ouest bordée par une série de fours qui produisaient des carreaux de céramique.
Cet espace domestique se compose de trois parties : une salle de réception rectangulaire (R16bis) qui se termine par deux absides opposées, cet espace donne sur la galerie (R15) par une ouverture de grande taille flanquée par deux colonnes ménageant une large entrée centrale et deux latérales plus petites.
Un espace central presque carré (R16), qui se prolonge à l’ouest par une large abside, et deux exèdres étroites et allongées (R18-R20). Une tabula lusoria, est mis en évidence au milieu de cet espace sur l’axe majeur de la pièce.
Les mosaïques
Le secteur non balnéaire des thermes abrite un important ensemble de mosaïques qui formaient le sol des salles et des couloirs et qui ont été régulièrement restaurées jusqu’à l’abandon définitif du lieu. On constate une superposition exceptionnelle dû à des restaurations exécutées à plusieurs siècles d’intervalle. Les mosaïques les plus primitives sont décorées exclusivement de motifs floraux ou géométriques d’une polychromie très vive et d’une grande variété d’inspiration.
Un seul étage attribuable au milieu du IVe siècle. C., avait une décoration figurative avec les Quatres Saisons. Cette mosaïque unique tient une place à part pour le site de djebel oust, puisque c’est la seule qui présente un décor figuré : une bordure grecques ocre rouge sur fond blanc, doublée d’un large filet blanc encadré de lignes noires, entoure un décor carré. Le champ comporte neuf emblemas carrés réunis par des caissons hexagonaux timbrés dentelés. Cinq des emblemas sont décorés de figures géométriques et florales, les quatre autres qui se trouvent dans l’axe de seuil ont été réservé à la représentation des bustes des saisons.
Le Clivus
Cette rue antique de 48 m de long et 6 à 7,80 m de largeur est un axe essentiel car il assurait la liaison entre le secteur des thermes et la voie à portique d’orientation nord-sud avec le temple et l’église. La pente actuelle varie entre 6%. et 8%. Une volée d’escalier, dont trois marches subsistent, est présente à mi-parcours et date de la phase de monumentalisation du site. Des mosaïques (S27 et S28), antérieures à la réalisation du Clivus, sont conservées dans sa moitié haute.
Conclusion
Il est à noter que ces trois secteurs ne constituent pas la totalité du potentiel archéologique du site de jebel Oust qui s’étend sur une superficie totale d’environ 7 hectares. En plus des trois secteurs fouillés, on mentionne la présence des vestiges d’une grande porte ou arc de triomphe (d’où probablement l’appellation moderne de Bab Khaled), une voie dallée à portiques et des fours de carreaux de terre cuite.
En fin, Il existe, en face du site, quelques traces d’une petite nécropole, située à l’est de la route Tunis-Zaghouan.
Bibliographie
– A.Ben Abed et J.Scheid,« Sanctuaire des eaux, sanctuaire de sources, une catégorie ambiguë : l’exemple de Jebel Oust (Tunisie) », dans Sanctuaires et sources dans l’Antiquité – les sources documentaires et leurs limites dans la description des lieux de culte, Coll. Centre Jean Bérard, Napoli, 2003, pp. 7-14.
– A. Ben Abed et J. Scheid. « Nouvelles recherches archéologiques à Jebel Oust (Tunisie) », dans CRAI, 149ᵉ année, N. 1, 2005. pp. 321-349
- Ben Abed, J. Scheid, H. Broise etC. Balmelle, “Le sanctuaire de source de Jebel Oust (Tunisie)”, Les nouvelles de l’archéologie, 124 | 2011, 10-14.
– S. Biagi et alii, « Jebel Oust (Tunisie) », dans Mélanges de l’École française de Rome – Antiquité, 122-1 | 2010, 283-291.
- Broise et alii, « Jebel Oust (Tunisie) », dans Mélanges de l’École française de Rome – Antiquité (chroniques), 123-1 | 2011, 328-336.
– J. Curie,Les travertins anthropiques, entre histoire, archéologie et environnement. Étude géoarchéologique du site antique de Jebel Oust, Tunisie. Thèse de doctorat inédit, Université la Bourgogne, France, 2013.
– R. Durost, J. Scheid et A. Ben Abe, La mission archéologique de Jebel Oust, site antique de Tunisie », dans Archéopages [https://doi.org/10.4000/archeopages.763]
– M. Fendri, « Évolution chronologique et stylistique d’un ensemble de mosaïques dans une station thermale à Djebel Oust (Tunisie) », dansLa Mosaïque gréco-romaine, colloque du CNRS, Paris, 1965, p. 157-173.
– P. Gauckler, Hydraulique d’une cité romaine au Djebel Oust, dans Enquête sur les installations hydrauliques romaines en Tunisie, Tunisie, 1897, II, pp. 77-81.
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