Taha KHECHINE, Chargé de recherches à l’INP
Masjid Ibn Khayrūn : une nouvelle lecture, révélée par des fouilles archéologiques et des travaux de restauration
Masjid ibn Khayrūn a souvent suscité l’intérêt des chercheurs, intérêt éveillé par le décor de sa façade extérieure qui constitue une œuvre d’art remontant à l’époque aghlabide. Il marque aussi un jalon dans l’histoire de l’art islamique, puisque la ville de Kairouan ne préserve que deux monuments du IXe siècle se démarquant par leurs répertoires décoratifs à savoir la Grande Mosquée et cet oratoire. Dans cette étude, on s’est référé à une riche documentation d’archives illustrant les fouilles menées dans ce masjid par le chercheur Ibrahim Chabbouh en (1984-1985), et qui étaient à notre avis partiellement exploitées, pour essayer de dater et de présenter une nouvelle lecture architecturale de ce monument.
Le niveau de sa façade ainsi que celui du sol exhumé en relation avec la naissance du mihrab actuel du masjid avaient désorienté l’interprétation des chercheurs qui ont fouillé ce masjid. Ils considéraient que ce niveau date du IXe siècle en s’appuyant sur une altitude presque similaire de la Grande Mosquée datant du IXe siècle. Or cette comparaison n’est pas cohérente vue que le niveau de naissance du mihrab du masjid date de l’époque hafside, en se référant à des stratigraphies bien datées situant le niveau de l’époque aghlabide en contrebas de l’ordre de 5m, comme il est démontré par les fouilles archéologiques menées dans la médina aux alentours de ce masjid. Ainsi les plaques en pierre composant cette façade étaient démontées et réassemblés à plusieurs reprises en suivant le rythme de surélévation du sol du masjid du IXe siècle jusqu’à l‘époque moderne toute en réutilisant les mêmes organes de support du IXe siècle.
La superficie de ce masjid dans son état initial semble avoir été plus importante que celle de l’époque hafside et de son état actuel, et ce en se basant sur quelques indices archéologiques révélées par les sondages. Son plan et sa superficie semblent être similaires à ceux de masjid ibn Khyrūn 2 c’est-à-dire un plan plus profond que large composé de quatre nefs et de trois travées ce qui donne plus d’importance à un masjid marqué par sa façade richement décorée. Toutefois, devant la fragilité des indices archéologiques en relation avec l’identification du plan du IXe siècle, des fouilles restent envisageables dans la mosquée des trois portes pour conforter ou réfuter ces résultats;
Présence antique dans la ville de Kairouan : Témoignages archéologiques et perspectives de recherches
J’ai rédigé avec ma collègue Soundes Gragueb Chatti un article intitulé « Présence antique dans la ville de Kairouan : Témoignages archéologiques et perspectives de recherches ».
Résumé
Cette étude est le résultat d’un sondage, réalisé dans un terrain non loin de la Grande Mosquée, (distant de 150 m de la Grande Mosquée) qui a permis de dégager des phases d’occupation s’étalant depuis l’antiquité tardive jusqu’à l’époque moderne.
En effet, la ville de Kairouan du haut moyen âge semble avoir été élevée sur les traces d’une occupation antique qui pourrait appartenir à une agglomération. Un tel constat commence à être prouvé par des témoignages archéologiques tangibles, dont le plus probant est la présence de céramique romaine mise au jour dans un sondage creusé à quelques 150 m au sud-ouest de la Grande Mosquée, exhumée d’une stratigraphie résultat d’une fouille systématique. Cette découverte ainsi que le nombre important de matériaux de réemploi antiques préservés dans les monuments religieux de la médina pourraient appuyer les recherches déjà menées par Ahmed M’chaerk qui suppose que la ville de Okba était bâtie sur une occupation antique.
Ces découvertes orientent les investigations à la recherche des vestiges archéologiques antiques appartenant à une présence préislamique. Ici on se réfère aux données de comparaison avec des médinas islamiques élevées sur des structures des villes antiques et dont les trames urbaines islamiques et antiques sont presque superposées et régulières. Cette superposition est prouvée dans la médina de Damas en Syrie, et attestée par endroits dans les médinas de Sousse et de Sfax, appuyée aussi par les fouilles archéologiques. Le même phénomène semble observé dans plusieurs ruelles de la médina de Kairouan, ce qui pourrait supposer la présence d’une trame presque en damier en relation avec une place publique qui correspondrait probablement à l’emplacement de la place al-Jraba.
Dans ce papier nous révélons tous les indices urbanistiques et archéologiques disponibles indiquant une présence antique dans la ville de Kairouan : dont un lot de céramique romaine présentant des formes et des productions diverses ainsi que des pièces de monnaies. Des perspectives de recherches seront présentées pour mener davantage des investigations archéologiques dans plusieurs endroits de la médina.
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